Tuesday, February 08, 2005

1000 heures plus tard (Blackboy Lane)

En fait, je sais écrire (quelques fois). Mais je n’ai rien à écrire. Pas de sujet. Je n’écris que sur des bribes de ma vie, sans but, sans point de vue.







Deux buts pour ma vie :
1. Trouver Nadja.
2. Trouver un sujet.



Deuxième prise :
En fait, je peux écrire (quelque fois). Mais je ne sais pas écrire. Si je savais écrire, la moindre bribe de phrase aurait du sens, un sens qui ferait écho comme la voix de Peter in Albion (Shaken and Withdrawn).


Deux buts pour ma vie :
1.Tribucher jusqu’à trouver Nadja.
2.Rabâcher jusqu’à savoir écrire.


J’aime pouvoir me lever le matin et dessiner ma journée. C’est de l’architecture, c’est créer un monde. Je décide des couleurs et des odeurs. Tel film (Donnie Darko) dans la soirée donnera le bleu. Les Sailor Sessions qui montre le talent de Pete quand il est acculé aux murs donne l’étrange jaune de l’été en Angleterre. Un livre dans l’après midi, peut-être Dali couplé avec le Velvet, et voilà le vent amer des côtes espagnoles. Jamais rien ni personne ne pourra trouver mieux comme mode de vie. Tu sais comment je suis. Tu sais comment je vis. Non ? Eh bien, voilà.

A la rétrospective des court métrages de Chaplin, la salle est pleine. Tellement que je suis obligé d’enjamber des sièges pour essayer de trouver une place. Les courts s’enchaînent, les gens entrent et sortent de la salle dans un flux incessant. Je trouve enfin une place sur un siège qui a servi de porte manteaux. Le siège à ma droite est pareil, occupé par une ou plusieurs vestes. La femme assise sur le siège d’après, que je pensais endormie tellement elle était affalée se tourne vers moi et enlève la veste qui encombrait le siège la séparant de moi. Elle me dit de m’y assoire, j’y serais toujours mieux que noyé dans tous ces manteaux. J’y vais. Elle me sourit et regarde l’écran. Très vite, elle s’affale à nouveau. Mais cette fois, il y a moi, et elle se retrouve étendue sur mon torse. Je ne dis rien, elle ne dit rien, au fond nous comprenons. Ecran noir, et un nouveau court commence. Elle me parle de lui, elle me parle des nombreux courts secret que Chaplin a fait pendant la guerre. Je sens sa poitrine dans mes mains. Et 1000 heures plus tard, plus rien. Elle a disparu. Je suis seul dans mon lit, réveillé. Comme à chaque fois il me faut plusieurs secondes pour me rappeler que ce n’est pas vrai. Sincèrement, j’aurai le droit de pleurer. Je ne le fait pour une raison inconnue. Ou parce que je sais qu’il s’agit là d’une réminiscence de Paul Auster, de la dernière séance de Lost in Translation, de la vie de tous les jours, et c’est déjà pas mal.

Et aujourd’hui j’ai mal au crane (trop de « et » ? ). Le nez irrité. Plus mal à la gorge, c’est déjà ça. Perdu, hagard. J’aimerai retourner à Strasbourg, assis sur la Place Kléber à regarder les filles au terrasses des cafés avec le Velvet en tête. Pour comprendre cela, il faut remonter d’une semaine en arrière. Après un entretien de stage, je suis laissé seul dans un quartier que je connais peu. Avec le disque de Mono fraîchement acquis, je décide de flâner, visiter et méditer. La musique colle au bitume, comme un bain avec une photographie, elle révèle des centaines d’images, des cauchemars, des décors et des vieux rêves. Surtout, ce que j’apprends, c’est à quoi ressembler la réalité et comment la représenter. Un vieux panneau de basket Woody Woodpecker dans une arrière cour, un carreau brisé, les sacs poubelles et des sachets devant chaque maison, un landau perdu au milieu d’enseignes salies. Des milliers de faits que j’ai déjà oublié. Des endroits, des fenêtres et des grilles, je me demande qui peut se trouver derrière, qui peut m’y attendre sagement comme moi je l’attends, qui a affiché son poster Woody Allen et rêve de danser à moitié nue devant lui. Personne, derrière ces fenêtres ils m’arrivent d’apercevoir des personnes âgés seul qui épient dehors comme moi j’épie dedans. (à l’inverse, en début de soirée aujourd’hui je regarde par la fenêtre d’un appartement au second, j’y voix un tableau étrange et un homme chauve qui au fur et à mesure qu’il se rapproche de la fenêtre se transforme en magnifique jeune fille à la queue de cheval scrutant la rue l’œil énervé par ma curiosité). Je passe à côté d’une maison et ressent cette même douleur que plusieurs jours après en croisant Bob. Je fais deux fois le tour du quartier, monte et redescend, observer, gêné et traverse le grand boulevard. De l’autre côté, je m’égare dans le cimetière. Je ne cherche rien de spécial, rien d’autre que des traces de vie. En enlevant mes écouteurs, une mobylette qui passe, et décidément, il vaut mieux les remettre. Tout au bout je me glisse dans la petite rue étroite qui longe le cimetière et redescend. A un moment, à travers les buissons, je vois la cour du cloître et un moine aux cheveux gris qui ouvre une lourde porte de bois. Je traîne encore et encore. J’attrape le premier arrêt de bus venu. Quelqu’un y est déjà assis. Une fille. Je suis sous l’abri et je la reconnais. Je l’ai déjà vu à une séance d’Eternal Sunshine et à une de Lost in Translation. C’est la colocataire d’une vague connaissance. Je n’ai plus d’autre force que pour sourire. Je ne peux parler. Je l’observe, elle sait que je l’observe. Elle joue avec ses mains. Elle est assise sur le banc comme elle serait couchée nue sur un lit, les jambes allongées-pliées comme celles de Penny lors de son overdose, quand William la regarde faire un lavement. Le visage de la poupée qui change quand l’éclairage change dans Eternal Sunshine. Je m’en rappelle, je pense à cela. D’abord c’était la peur qui nous distanciait, et puis une grosse femme arrive et se place pile entre nous deux. Je n’en vois plus que des bribes, ses ongles blancs, ses cheveux mal coupés. Parfois elle fait des grimaces. Qu’elles étaient les probabilités que je la retrouve là, en attendant ce bus. Elles étaient nulles. Le hasard ou la coïncidence. Pas la même chose, pas du tout. Avant, sur l’esplanade, je marchais et en face de moi approchait une silhouette féminine portant un bonnet rouge. A cet instant, je comprenais tout, j’entrevoyais l’avenir, cette attente dans l’abri bus. La silhouette se révélait bien sûr être une grand mère. Puis le bus arriva et c’était plusieurs mètres qui séparaient nos deux places face à face, et bientôt des dizaines de personnes s’interposait entre nos visions partagées, si bien que je ne la vis même pas descendre avant de me rendre compte que c’était elle qui hésitait à entrer dans la boulangerie, là sur le trottoir. Et maintenant je suis seul et j’ai peur, peur de ne pas pouvoir écrire, peur d’être perdu à jamais, de ne pas être un écrivain et de n’être rien d’autre que ma façade. Une maison vide, dont les murs de papiers ne tiennent pas au vent.


Je veux que tous les fils soient apparent. Je veux que l’on voient les effets, que l’on entende la voix s’éraillée et toussée. Je le veux jusqu’à ce que je sois meilleur. Parce que pour l’instant, je ne suis pas assez bon pour cacher tous ces à-côtés. Un bout qui dépasse, et c’est la magie qui disparaît. Si l’on voit tout, la magie s’envole –prend son envol- (dit-il très sérieusement, sans montrer ses doutes).

En relisant certaines de mes précédents posts, je me rends compte de la nécessité absolue que j’avais de faire une pause. Là encore, en cet instant même, je crains que mes mots ne vaillent pas grand chose, tristement. Est-ce fini ? Plus rien… Trop d’eau aurait coulé sous les ponts ? Trop de d’illusions et désillusions ? Je n’en sais rien. Seul le temps et l’estomac le diront.

Dans Crash, Ballard exprime exactement ce que je pense à propos du sujet. Le roman parle de la déchéance de notre société, de sa course effrénée à la sensation qui va jusqu’à dépasser le corps (enfin, chacun peut y voir ce qu’il veut, le dire comme il veut, ça tourne néanmoins autour des mêmes choses). Mais il n’écrit pas un roman où la thèse serait dévoilée, écrite noir sur blanc, énoncée par un deux ex machina bavard. Il décrit une histoire, des faits, un personnage. Et à travers eux, à travers l’histoire qu’il raconte, il fait passer les bases et les finalités de sa vision. Et il est compris au moins en partie. There’s a tale, tale I would tell.

J’ai vu Bob dans le bus l’autre jour. Le vrai, longs cheveux gris et habillé complet de jean. Il passe à ma hauteur et quelque chose se tord en moi. Je n’ose pas le suivre au dehors.

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