Saturday, September 10, 2005

Sleep ( The Dandy Warhols extrait du DIG ! mix #2)



Voilà presque une heure que je relis mon blog en écoutant Joy Division. Je ne lis pas les extraits récents, plutôt le post de Noël dernier, quand je commençais à avoir les premières idées pour le Manuel de Cristallographie. Marrant de voir à quel point j’ai trahi mes idées pour mieux être fidèle à moi-même. Marrant et si déprimant bien sûr. Si tout se passe bien, demain j’aurai fini la partie la plus difficile du bouquin. Il ne me restera plus que deux chapitres à écrire, dont un entièrement en cut up. Les cut ups, ça marche ou ça marche pas. Pas de juste milieu. Pas de fausses poésie de la démarche. Ça s’anime ou ça s’anime. Ai-je déjà dit que je possède l’édition originale de l’ « œuvre commun » de Burroughs et Gysin. Je l’ai trouvé à Paris. Quoi qu’il en soit, je fais un essai du Manuel de Cristallographie en cut up et immédiatement les joues de Joe Shishido deviennent vivante. Pour moi, il n’y a pas de meilleur preuve qu’avec le Manuel, le cut up marchera. Dans les bandes annonces, il y a de nouveau ce film, La Blessure, qui se présentent comme le témoignage d’un viol, raconté par une africaine. Je ne sais pourquoi, j’ai envie de le voir. Peut-être parce qu’en fond sonore, il y a « Atmosphère » ma chanson préférée de Joy Division ?


Broken Flowers de Jim Jarmusch



Quel film étrange. Vraiment. Déjà, la chanson du Brian Jonestown Massacre présente sur la BO n’est là que pour décorer. Ensuite, je dois quand même préciser que c’est moins bon que Ghost Dog. Voilà, on se débarrasse des mauvaises choses. Une dernière pour la route : parfois, dans sa construction, Broken Flowers ressemble à Coffee And Cigarettes, et ce n’est pas un compliment. Passons au reste. Broken Flowers est construit sur un faux rythme dont la base première est l’ellipse. L’ellipse de quoi ? De pas grand chose en vérité. Il ne se passe pratiquement rien pendant les 20 premières minutes du film. Bill Murray (puisqu’à ce moment-là, il s’agit de lui), est assis sur son canapé, couché sur son canapé, passe chez son voisin, reçoit une lettre. On pense à Lost In Translation, et on voit le fossé, parce que ce n’est pas aussi léché, ce n’est pas Tokyo et ce n’est pas le but de Jarmusch de toute façon. Ensuite, Bill part à la recherche de son fils. Il croise quatre femmes qu’il a aimé. Si l’on rajoute Julie Delpy, ça fait cinq grands personnages. Sauf que l’on n’en voit rien du tout, pas plus de 5 minutes chacune et rapporté au nombre de minutes où Bill reste seul et impassible, ça n’est pas grand chose. Vraiment, je me dis : « et alors quoi ? ». C’est tout. Une suite sans son de vignette acidulées et languissante. Eh bien oui, il n’y aura que ça. Pas de dernier sursaut comme on l’attend dans la dernière demi-heure. Pas de début tardif et tonitruant comme on l’attend dans la première demi-heure. Rien de cela, le film ressemble à ses premières minutes. Et c’est une déception par rapport à tous qu’on a pu entendre, le Grand Prix à Cannes, la promo, le coup du Lost In Translation 2, du Bill Murray cabotin, la comédie triste. Non, ça s’est sans doute un coup du manque d’imagination des médias. Il faut plutôt sur pencher sur une interview de Jarmusch dans les Inrocks d’il y a une semaine, il y affirme ne pas avoir fait une comédie, avoir bridé Bill Murray parce qu’il voulait faire un film triste, mélancolique. Ma question est donc : est-ce que je n’aime plus ce genre de film ? Elephant m’avait fait pleuré à sa sortie, est-ce qu’il le ferait encore aujourd’hui ? Parallèlement, le thème de Broken Flowers est assez éloigné de ce que je peux ressentir du haut de mes 20 ans, alors qu’Elephant… En fait, il faut oublier les promesses des journaux. Il faut oublier le fait que la salle n’a rit à aucun moment de la projection quand j’y étais (véridique). Il faut se concentrer sur un simple plan. Bill vient de se faire tabasser. Il se réveille, en sang, dans sa voiture abandonnée au milieu d’un champs. Il est filmé en contre-plongée, est allongée, la tête vers nous et à l’envers, du sang et des fleurs sur ces vêtements. Voilà, nous y sommes. Ce n’est plus Bill Murray, c’est Don Johnston. Il aura mis du temps à venir celui-là. C’est un paumé, vous comprenez . Un pauvre type, il a de l’argent mais bon, il se l’est un peu fait comme ça, par hasard, en étant sérieux mais pas très concentré. Don ses trucs, c’est les ordinateurs et les filles. Alors quoi, vous le trouvez profond peut-être ? Vous le trouvez mieux que votre voisin ? Non. Don Johnston, c’est le type qui roule en Mercedes noire, qui a un nom qui l’a aidé à faire rire les minettes il y a quelques temps mais qui maintenant souligne juste le fait qu’il est vieux et dépassé. Don est vide, sa maison est vide, sa discographie est vide. Son voisin est même obligé de lui graver des compils de musique éthiopienne (presque la seule qui rythme le film et qui est plutôt pas mal). Maintenant, comprenez, Don a toujours été comme ça. Il n’a jamais su quoi faire, il est toujours resté à dormir sur son canapé. Sauf que quand il était plus jeune, il pouvait aller à des fêtes, inviter des amis, faire la nouba avec les filles qui lui tombait dans les bras. Don est vieux maintenant et au fur et à mesure qu’on l’abandonne, qu’il se rend compte qu’il ne plait plus qu’aux allumées (Lolita), sa vie est vide. Alors quelque part, pour faire comme les autres, pour faire comme son voisin qui le pousse, il va avoir un enfant. Il va le chercher vingt ans plus tôt, à l’âge où il aurait du l’avoir, pour faire comme les autres. Et sur cette route pour du sens, nous retrouvons cette voiture dans le champs. Sauf que ce n’est plus Bill, c’est Don. Et là, comme ça, aussi nul qu’il puisse être (si nul qu’il n’intéressait même pas Jarmusch au début) il est la parfaite image de poésie romantique. C’est un idiot, un nul, presque mort pour une quête de sens. C’est Jean Marais dans Orphée, auteur populaire comme peut l’être Marc Levy aujourd’hui, qui sacrifie sa femme pour la Mort, pour le sens, pour en finir avec ses matins à la terrasse des cafés où il se demande si finalement, tout ça à un sens, toutes les choses du quotidien, toutes les petites choses, les voix, les mots, auquel il ne comprend rien jusqu’à ce qu’il entende la radio de la Mort qui diffuse des fragments de poésie en boucles. Une bouteille à la mer. Le même genre de message que ceux envoyé par Rousseau dans Lost. Des messages de naufragés, sur une terre hostile et aride, qui recèle pourtant des milles trésors dont ils ne savent pas quoi faire. Qu’on se le dise, le vrai poète, le vrai romantique, est un fainéant. Il n’écrit pas toute la journée, il ne fait pas de films, ce n’est pas un artiste, il ne produit pas du beau. Il est juste inutile. Donc tragique. Donc romantique. Donc poétique. C’est ce que j’essayais de faire passer sans le savoir à travers le personnage de Serge Nollens, personnage vide, sans passé, sans avenir, dans Manuel de Cristallographie.



Alors merci Jarmusch pour m’avoir ouvert les yeux là-dessus. Ton film est peut-être un tout petit peu ennuyeux et monotone. Les fragments des personnages secondaires les rendent presque passionnants, mais on ne les découvre pas assez. On y voit un type vide en survêtement. On voit ces fils partout, à chaque coin de rue, bellâtres à lunettes, petit SDF américain ou portoricain en voiture. Toute une génération est fils de Don Johnston. Broken Flowers est un film différents de tous les autres, sauf des films de Jarmusch. La suite ininterrompue de fragments, les femmes, les amis, les fils, tout ça donne envie d’imaginer, de construire soi-même. Sun Green sourit à Don après qu’il se soit fait tabasser, elle le soigne même. Lui se tire, avec regret, mais il se tira, parce qu’il ne vaut en garder qu’un fragment, il ne veut pas la connaître, il ne veut pas recommencer tout ça, il sait que quelque chose clochera. Si les fragments de ses ex sont là pour lui rappeler les années passées avec elles et lui faire passer l’envie de les regretter, le fragment volontaire de Sun Green est l’inverse, il est constructif, Don en fait un fragment pour pouvoir le regretter. Pour moi, pour les spectateurs, Sun Green est l’inconnue que l’on croise dans les rues, elle est celle que l’on connaît trop bien. Ce sont les femmes de Don que nous voulons connaître, ce sont elles dont nous voulons savoir plus, pour enfin connaître les raisons de ne pas regretter. C’est pour ça que j’irai le revoir.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home