Monday, March 21, 2005

L’averse battait contre le carreau de verre, presqu’elle passait au travers



Vers la herse de nos vingts ans,
Le souffle hérisse lentement
Cette luxure travestie par l’averse.


«Les contours appellent

 Il ouvrit la porte et fut touché par l’absence de lumière. Il ne faisait pas noir, non, ni nuit. Quelque part sans doute le soleil brillait près de étoiles, mais ici, dans cette pièce, il eut l’impression qu’une armée d’esprits c’était entassée, pas un régiment, l’armée toute entière, des milliers d’hommes arrivés d’un pays inconnu, vaincus et prisonniers d’une autre terre, prisonniers de la maison, corps contre corps, faces contre faces, les cheveux poussés durant l’enfermement, se frôlant et se mélangeant dans une délectable horreur de l’impudeur. Il ne pouvait avancer. Il ne pouvait ne serait-ce que passer une jambe dans la pièce. De ses yeux il ne voyait rien, pourtant il y avait quelque chose, quelque chose qui s’invite sans se faire prier. Dans son esprit, il pensa à Freud, « l’inconnu dans la maison », celui que l’on a pas invité, et cette pensée lui sembla étrange, tout droit venue d’un autre moment, plus calme, plus doux, des nuages, un fauteuil et de la musique. »

Rêve étrange (puisqu’on peut dire rêve, pas besoin de le cacher, de tenter de banaliser l’onirique).
Je marchais dans la rue, une rue comme il y en a plein à Manchester, un trottoir sale, des vitrines de magasins abandonnés emplissant l’air de poussière. J’y repassais plusieurs fois, et à chaque fois il m’arrivait la même chose. De nuit, de jour, dans le crépuscule. Une des boutiques abandonnées avait sa porte ouverte. Certaines fois, j’y entrais volontairement. D’autre fois parce que l’on m’y attirait de force depuis l’intérieur. Dedans, un résumé du désert, à part une vieille chaise. La vitrine était si endommagée que rien ne transparaissait vers l’extérieur et que dedans la lumière était fantomatique. Jésus ressuscité. Lou Reed et William Burroughs sont dans cette boutique abandonnée. Ils sont la boutique. Ouvert sept jours sur sept. Bouche à oreille. Dans cette pièce nue, Lou et Bill roulent de grands yeux. Avec leurs esprits, ils m’attachent sur la chaise. Avec une seringue, dure et brillante, ils me droguent. Et ils me relâchent. Pas d’autre cadeau que ça, pas de livres, de chansons, de paroles. Ces enfoirés me tuent à petit feu. Je vois l’aiguille s’approcher et je la sens me piquer avant même qu’ils me l’enfoncent. Parce que quand elle est en moi, je ne peux déjà plus sentir. Je pars dans du noir et des tourbillons. Dès que je reprends mes esprits, je m’échappe de la boutique, dans laquelle il n’y a plus personne. Alors j’ère dans les rues que je commence à connaître, ces rues que je fréquente clean, que je fréquente stone, que je fréquente depuis toujours. Après les shoots, je les reconnais mais elles ne se ressemblent plus. Un grand manège de foire a été installé au bord de la route, il représente une fusée qui tourne à toute vitesse dans l’espace. Cela me rappelle mes trips, ça me rappelle que j’ai encore de cette poudre à cafard dans les veines, que tout ce qui m’entoure n’est peut-être pas réel. Parfois, j’aperçois la mer, comme dans de vieux rêves. Le chemin est toujours le même, je le fais toujours, le même dans les deux sens, pour aller et revenir de la boutique. Appartement-boutique. Boutique-appartement (un peu plus doucement, titubant, la tête dans les étoiles qui tirent). Une fois qu’ils m’ont shootés, je n’arrive plus à me rappeler pourquoi j’y suis allé. Comment ai-je pu y retourner ? Faire face à la peur, au dégoût, à mon aversion des aiguilles, à l’horreur de cette ville. J’oublis pour toujours, une fois stone. Je redescends et je ne m’en rappelle toujours pas. Pour y retourner à nouveau, je dois bien être motivé par quelque chose, mais ils me reshootent et j’oublis encore et encore pourquoi. Ce soir-là je prenais les escaliers de mon immeuble parce que la tête me tournait un peu trop et que j’essayais de récupérer mon corps. Assise sur la première marche, il y avait M. Elle dit m’attendre et je me demande comment elle pouvait savoir que je prendrais les escaliers. Elle a un visage pale, et me confirme que quelque chose ne va pas. Elle ne veut pas tout de suite me dire quoi. Je l’invite dans mon appartement. Il est très hi-tech et étroit. Des conteurs et des claviers partout, intégrés aux murs, à la structure de l’appart. Il y a une baignoire juste sous la fenêtre du salon. Dehors de grands immeubles illuminés par des milliers de vies ressemblent à des montagnes chinoises. Elle me dit de bien m’accrocher et me dit que Marjorie est morte. Je ne comprends pas. Je ne connaissais pas vraiment Marjorie. Je ne suis absolument pas triste. Mais elle insiste pour pouvoir me réconforter, elle est très gentille avec moi, caline, s’approche, me frôle, m’enlace, son blanc du silence. Est-ce que je suis encore stone ? Est-ce qu’il m’arrive de ne plus l’être.




Quand le moral ne va pas, quoi de mieux de sortir lorsque le soleil se couche, et d’écouter presque fortuitement Atmosphère de Joy Division ?




Je sais que je vais de mieux en mieux, stylistiquement. Je sais que bientôt, je serai capable d’écrire comme Peter enregistre ses babyshambles sessions.

Quoi de mieux que de se faire offrir un live de Morrissey pour la Saint Patrick, quoi de mieux que d’avoir annulé une fête ennuyeuse pour recevoir cette surprise ?


« A rebours

Je l’avoue : je suis un passe muraille. Je traverse toutes sortes de mur, béton, tôle ou bois. Je traverse même les herses et les portails. Trop jeune pour voir le mur de Berlin, j’ai voulu traverser ses débris. ça n’a pas marché. Ce mur était mort. J’ai dit que je suis un passe muraille, mais je n’ai pas dit un bon passe muraille. Quand je traverse un mur, ce n’est jamais pour me retrouver de l’autre côté. Du mur d’un simple immeuble, je peux me retrouver à Tokyo. A force d’exercice, je connais où mènent certains murs. Je peux me rendre au collège, comme ça, en passant au travers du mur d’enceinte de la prison près de chez moi. D’autres murs m’emmènent dans des endroits inconnus et sombres. Alors vite, je fais demi tour et repasse le mur en priant pour poser le pied sur un sol plus clément. Quand je me sens triste, je traverse les murs de ma chambre. Au travers des affiches et des posters, je retrouve mes souvenirs, je reviens vers mes vieux rêves. Je n’oublis rien, je vis, je choisis. Ma géographie. »

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