Monday, September 26, 2005

Heart Shaped Box




Il y a des jours comme ça, on trouve tout ce qu’on veut à la médiathèque sans avoir à chercher : Kaïro et Mystery Train en dvd, une bio de Woody et un Greil Marcus en bouquins.

Et maintenant j’écoute Show Me Your Tears de Frank Black. Pourquoi ça ? ça fait vraiment longtemps que l’envie ne m’avait même pas traversé l’esprit. Le disque date de Septembre 2003. Sans doute est-ce l’envie d’y retourner. Après je passe à In Utero de Nirvana et ça ne marche absolument pas. Apparemment je n’ai pas envie de redevenir un adolescent, les photos du livret me débectent mais la musique et la production reste géniaux. En Septembre 2003, je n’avais pas encore été touché par Céline, il me restait du temps avant de me mettre à travailler, j’ignorais tout des études que j’allais faire, je croyais qu’il existait des vrais gens. Et puis, je n’avais pas vu les Pixies live. Depuis beaucoup de choses ont changé, j’ai partagé une semaine avec Céline, mon style d’écriture a été bouleversé et a fait un bon énorme d’un seul coup, je lis plus et mieux qu’avant, je vais souvent dans ma salle favorite d’art et d’essai, Peter a signé sa mort en beauté (au Tap’n’Tin, le 8 octobre 2003), j’ai vu Paris, je ne crois plus en personne, spécialement les filles, et puis j’ai vu les Pixies. Si Céline, en me détruisant, m’a immédiatement permis de faire fonctionner mes cellules afin de me reconstruire ( me rendant plus perfectionné et me transformant en ma propre création, les Pixies en me ravissant ( vieux rêve) ont plongé dans le noir cette partie de moi qui les aimaient. Il n’y a pas à dire, le concert était honnête. D’ailleurs il me semble qu’il va même sortir en dvd. Mais c’était l’usine, tout le monde adorait, les chansons s’enchaînait et en fait, c’était exactement comme voir la Star Academy faire une soirée de reprise des Pixies. Un viol de nos secret, doublé de leur appropriation par 20000 personnes. Les Pixies était le secret le moins bien gardé de la scène indie, mais ils étaient le secret de chacun. Là, fini, renversé sur le trottoir, exactement (mais vraiment) comme Pete dans les tabloids, à la télévision, dès qu’il s’agit de rock ou de Kate Moss. Merde, vous avez une boite qui renferme toutes les sessions de Pete et sur laquelle est inscrite « Champs Elysées », vous ? Moi aussi, alors s’il vous plait, n’essayez même pas de parler. Stil, j’écoute Show Me Your Tears et c’est plutôt bien. Même si le gène Pixies est mort et qu’après essai, c’est le seul album de Frank Black qui me fait cet effet là en ce moment.


Dans ma promo, il y a cette fille, plutôt jolie, à laquelle j’ai parlé le premier jour, par accident. Je peux sentir l’attraction, en tout cas de mon côté, alors je la teste. Je me rends compte très vite qu’elle est stupide. Elle est réelle, après tout. Là n’est pas la question, je m’en serai douté, je ne suis même pas déçu. Non, il y a un autre truc. J’ai peur. Elle me plait. Elle me plait comme une femelle plait à un male, c’est primaire, vous avez déjà entendu parlé des glandes sudoripares ? Bref : je n’en ai rien à foutre d’elle, mais il y a quelqu’un en moi pour qui c’est le contraire. Lui je le fais taire depuis longtemps, pourtant comment savoir s’il ne prend pas le contrôle des fois ? Dans ces conditions, je n’ai qu’un seul espoir : que je ne lui plaise pas. Parce que sinon, c’est forcé, nous ne sommes que des humains, je ne résisterai pas, au fond, à l’appel du sexe. Et alors ce sera désillusions sur déceptions.
ET EN MEME TEMPS :
Pourquoi pas ? C’est peut être la solution à mes problèmes. Souffrir. Pour pouvoir à nouveau me reconstruire. Si je suis Moi version 2.quelque chose, est-ce qu’il n’est pas temps de passer en 3.0 ? Il me faudrait à peine une semaine, pleine de peur , de malentendus et d’erreurs. Et hop, je reconstruit à partir des morceaux qui sont par terre. En ce moment, je ne sais même plus quels disques j’aime, quels sont mes réalisateurs favoris, ni comment faire pour écrire de manière originale. C’est un calcul vicieux, non ? C’est ce que mon personnage fait dans « Manuel de Cristallographie » il va se rendre consciemment accro à l’héroïne, il va arnaquer son dealer pour se faire tabasser et puis après, cure de désintox. Apprendre à marcher à nouveau. Marcher mieux. Mieux jouer de la guitare, mieux chanter, mieux parler de tout ce qui vient d’arriver dans ces paroles. C’est exactement ce qu’il me faut. Alors quoi ? Fonce. Il va falloir avaler des couleuvres, être gravement malade pendant une semaine et voir ma réputation totalement détruite à l’université. Tout ça est déjà arrivé. Quelle réputation ? Qui y a-t’il de si bien à l’université pour que je doive y paraître fort ? Franchement.


En plus, quand j’ai vu les Pixies, à cet exact moment, Blandine a disparu. C’est un souvenir très fort que j’ai essayé d’enfuir quelque part en moi et c’est vrai qu’en y repensant maintenant, tout est flou.
Fait : Blandine m’écrit le jour des Eurockéennes. Ce sera son dernier mail (je ne le sais pas en le lisant, elle ne le dit pas). Aux Eurockéennes, je m’amuse, etc, etc. Au concert des Pixies, je pense spécifiquement à elle. Bizarrement, je vois une fille assise avec un mec sur le toit d’un bingalo qui sert de toilettes et je me dit qu’avec ce visage, ces vêtements, ce pourrait être elle, alors je crie son prénom et ma voix est couverte par les amplis des Pixies. Voilà, elle a disparu. Quand je rendre des Eurockéennes, je n’ai pas de nouveaux mails, je n’aurai plus de réponse à aucun de ce que je lui enverrai.
Donc : les Pixies ont fait disparaître Blandine. La nuit qui a suivi ce concert, j’ai dormi dans la tente de mes amis sur le camping des Eurocks. J’ai fait un rêve. Une petite douzaine d’entre nous avait envahi la scène après le concert des Pixies, on courait backstage, dans leur loge, mais je suis un peu à la traine. Le temps que j’arrive, je vois une voiture sortir de la loge, et ils sont tous entassés dedans : les Pixies et les fans qui sont venus avec moi. Ils partent.
Conclusion : déjà pendant le concert des Pixies, je les trouvais moyens. Ils étaient moyens, il n’y a rien à redire là-dessus. En même temps, au même moment, je me rendais compte de la fragilité de ma relation avec Blandine. Depuis, les deux ont fusionnés comme la compil de Peter, Paul and Mary et l’album d’Husker Du dans « Je, la mort et le rock’n’roll ». C’est tout à fait normal, c’est comme ça que fonctionne la mémoire. Ce qui est marrant, c’est que maintenant, les Pixies ne me rendent pas triste. Je les écoute et j’y suis indifférent, c’est pour ça que je ne les aime plus. Parce qu’au fond, ma relation avec Blandine n’a jamais existé. Ce n’était que des mots, sincères mais maladroits (de ma part) et des réponses incroyables, comme si je les faisais moi-même. Voilà tout, ce n’était basé sur rien de normal, rien de vrai. Rien qui compterait aux yeux d’un Juge Officiel des Relations Amoureuses (si ça existait). Alors ce rien s’est mis à pomper l’énergie des Pixies. En 1 heure et demi un samedi soir, les Pixies ont été vampirisé par un de mes souvenirs, afin qu’il puisse être réel. C’est aussi simple que ça. Aujourd’hui, rien n’a changé, Blandine a disparu et je n’ai connu d’elle que ses mots. Mais c’est devenu une réalité, et c’est mon meilleur souvenir amoureux, voire mon meilleur souvenir tout court. Les Pixies eux ne me parlent plus. Leur musique n’évoque plus rien en moi. Au moment où ils sont devenus réels (des disques magnifique d’un groupe splitté il y a dix ans qui, d’un seul coup, en quelques mois, débouchent sur le concert des retrouvailles aux Eurockéenes) ils ont disparus de ma mémoire et ont permis à Blandine de devenir, elle, réelle. Echange standard.
Moralité : quand j’écoute des albums solos de Frank Black, c’est comme si je voyais des souvenirs de Blandine dans lesquels je ne figurai pas encore et dans lesquels je ne figure plus.

Friday, September 16, 2005

I am thinking it’s a sign that the freckles in our eyes are mirror images and when we kiss they’re perfectly aligned



Ça y est. C’était la semaine de rentré. A peine quelques heures et déjà je n’ai plus envie de rien faire : bloguer, écrire, apprendre la guitare, partir, trouver de nouveaux film. Tout ce que je suis capable d’endurer, c’est la bo de Broken Flowers, les dvds de Garden State et Lost In Translation, la musique du Brian Jonestown Massacre. C’est que là-bas, il incite tellement peu à avoir sa propre façon de pensé, à développer son mode de vie. Me direz-vous, c’est déjà mieux que la quarantaine d’autres étudiants dans ma promo. Et vous auriez raison : pas un look, pas une seule attitude, pas un visage ni un voix, pas un propos, rien de tout ça que sorte de l’ordinaire, qui frappe et donne envie. Des gens normaux, comme on en voit sur les sites de rencontres, qui aime l’amour, internet et les médias, et dont les seuls hobbies sont : « un peu comme tout le monde hein, sortir avec mes potes, boire, danser sur de la bonne musique (métal, tek) ». J’aime aussi ça, vraiment, sauf la parenthèse bien sûr. Et c’est cette parenthèse qui fait toute la différence, ainsi que le fait que j’ai encore un milliard d’autre hobbies, alors que ce sont les seuls pour eux. On ne juge pas sur l’apparence. C’est vrai, de ce que j’en ai vu de ces gens, une semaine, que puis-je en dire ? ça fait 3 rentrées que je scanne les visages, et je peux dire que je ne me trompe pas. Et c’est normal : plus j’avance dans les études, plus je me spécialise. Et comme j’étudie quelque chose qui n’a aucun rapport avec mes hobbies (ni musique, ni cinéma, ni littérature, ni philosophie), forcément, j’aurai de plus en plus de mal à trouver des gens qui les partage. Je devrai étudier ces passions ? Je devrai tout arrêter, reprendre mes études à 0 ? C’est pas faux, mais enfin, peut-on un jour arrêter de se voiler la face. Même si j’étudie mes passions, je ne serai jamais écrivain ou cinéaste ou musicien. Au mieux pour moi, ce serait devenir prof. Le pire, je n’en parle même pas. Donc il faut bien que j’apprenne quelque chose qui me donne de quoi vraiment financé mes passions. Parce que il n’y a pas de passage par le chemin normal. Je dois souffrir et subir ce monde pour pouvoir en parler. Ce sera le seul moyen de capter l’attention. Le seul moyen d’être un électrochoc et de mener la révolution invisible. Gagner un minimum d’argent pendant quelques années. Me prendre une année sabbatique pour écrire. Et ainsi de suite. Mais soyons franc : le chemin est long. Ça ne viendra pas de suite. Il y aura des centaines de désillusions, de déceptions, de pressions pour m’empêcher d’y arriver. Aujourd’hui, je suis loin du bout. Mon Manuel de Cristallographie se révèle pitoyable, mais un peu moins pitoyable que ce que j’ai fait avant, donc le cycle est en marche. Seulement il ne faut pas que je cède aux forces qui veulent me faire arrêter. Chaque révolution est combattu. La mienne aussi, par tous ses visages sympathique, ces têtes pleines, ces corps parfaits : ce sont les stigmates du robot. Géniaux en cours, pour le travail, pour les règles. Ensuite, il n’y a rien d’autres. Ils ne sont pas programmés pour autre chose, alors ils s’ennuient, ils s’entassent et s’entretuent pour tromper leur ennui. Et en l’occurrence, ils veulent me tuer moi aussi. Ce n’est pas un complot. C’est juste qu’il pense que je suis comme moi. C’est ça la signification de l’homme qui sort de l’ombre dans « Céline » et me demande : « Est-ce que tu veux mourir ? ». C’est la réalité qui sonne à ta porte, aimable et le reste. Résister, ne pas avoir de vie comme les autres. Ne pas vivre comme les animaux, comme les primates. Les primates se nourrissent, dansent, font du bruit, font l’amour, font leurs besoins, font des cabrioles, se battent et gaspillent. Réfléchissez bien fort et vous verrez que dans de nombreux progrès, la majorité des choses que l’on reproche à la race humaine, tous ses défauts, ses fautes et ses erreurs, viennent de là. Même celles qui sont critiquées tous les jours à la télé. Alors que personne ne vienne me voir en disant qu’il faut revenir au règne animal. Il faut privilégier les inventions qui n’appartiennent qu’à l’Homme. Je mange, je regarde des films, je lis et j’écoute de la musique. Aucun animal n’aurait pu faire ça sans l’Homme. Il faut que je marche sur la lune. Juste pour leur prouver que.

The Subways

Voilà, comme prévu j’ai fini le plus gros du manuel de cristallographie. Maintenant, deux chapitres d’expérimentation plutôt agréables à faire. Plus, si je m’en sens, la discographie expliquée des Narcisses. Ça, ce sera plus dur puisqu’il faudra écrire les paroles des chansons des Narcisses. J’essaierai, pour voir. J’ai déjà les titres, souvent, j’ai déjà les thèmes. A moi d’arriver à broder des paroles qui tiennent la route et des poèmes qui pourraient se chanter. Lundi, je retourne aux études. Je me demande à quoi ça ressemblera. A la même chose que toutes ces années passer : décevant. Ce sera une lutte permanente contre moi-même pour ne pas rentrer dans le rang. Est-ce que j’y arriverai ? Il faut que je continue à occuper mon temps en écrivain, en lisant, en commençant un autre roman, en terminant celui-ci. Ne pas parler aux autres. Ne même pas chercher à les connaître. Passons aux choses sérieuses :




Garden State de Zach Braff



Parce que ce n’est pas parce que je n’ai pas blogué pendant des mois que je dois passer sous silence les énormes découvertes qui s’y sont déroulées. J’espère simplement qu’avec la mémoire qu’il m’en reste, je saurai leur rendre justice. Garden State, je l’ai vu 3 fois, et la première fois, je me trouvais à Strasbourg, tout seul pour y fêter le bon déroulement de ma première semaine de travail. J’avais prévu d’aller au cinéma là-bas pour voir des films pas encore disponible chez moi. Garden State en faisait parti, je l’ai vu à 14 heures, dans une petite salle pas pleine. Pas où commencer ? Parce qu’en évoquant des souvenirs comme je viens de le faire, vous vous doutez bien que j’essai de me défiler. Sur ce film, j’ai déjà tout dit, il n’y a rien à rajouter. Ce film, c’est tous mes rêves, toutes mes envies et mes souvenirs, mes moments ratés et mes fantasmes. Ce que j’expose sur ce blog. Ce serait difficile d’épiloguer dessus comme je l’ai fait pour Broken Flowers parce que Garden State, ce n’est ni un film, ni la vie. C’est un de ces rêves que l’on fait sciemment, le matin quand on décide de rester au lit sans pour autant arriver à se rendormir. Je veux dire par là que c’est l’histoire idéale, que c’est drôle, fragile, ça nous caresse dans le sens du poil et toujours on y rajoute une touche tragique pour mieux s’en rappeler la beauté. Il faut bien commencer par quelque chose : Garden State, c’est l’histoire de Andrew Largeman, aspirant comédien raté, qui retourne dans sa ville natale pour l’enterrement de sa mère. Là vas, il retrouve les origines de sa névrose en même temps qu’il rencontre sa cure : Samantha, LA jeune fille. Celle qu’on imagine tous : drôle, délurée, talentueuse, sentimentale, gaffeuse, sérieuse, cultivée ( les vinyles qu’elle passe dans sa chambre en sont l’exemple).



Je rassure tout le monde : Sam est un personnage de fiction, bien plus que la Reine Amydala jouée par la même Nathalie Portman dans Star Wars (que je n’ai pas vu soit dit en passant). Andrew et Sam se rencontrent fortuitement, se parlent, et tout se déroulent comme ça devrait, doucement, normalement. A aucun moment on entre dans la caricature hollywoodienne : quand Andrew se lève le lendemain de sa rencontre, elle n’est pas dans son lit ; ils ne s’embrassent pas immédiatement ; ils ne se disent pas je t’aime à tout bout de phrase. Andrew rencontre la famille de Sam le plus naturellement possible (et ils sont tous aussi géniaux que Sam) et elle et lui parlent ensemble, se fréquentent, évoquent leur souvenir, comme des amis. On ne sent pas l’attirance sexuelle, on ne sent pas l’hypocrisie qui s’installe quand on drague quelqu’un. Sans doute que dans le vraie vie, Sam aurait dit à Andrew : « Je préfère qu’on reste ensemble », mais dans la vraie vie, ni l’un ni l’autre n’existe, alors on s’en fout. Je pourrai épiloguer longuement, faire une liste de tous les moments magiques du film, de chaque fragments d’image qui rappelle tous le reste, un peu comme les carrés qui composent l’affiche du film. Titembé. Sam dans la piscine. L’abyme infinie. La fête le premier soir. Le restaurant où travaille Andrew. Le tout premier rire de Sam alors qu’elle écoute les Shins en regardant Andrew. Le cimetière des animaux de Sam. Son épilepsie. Le velcro silencieux. Je pourrai continuer ainsi des pages et des pages à évoquer les détails de chaque photogramme : ça en voudrait le coup. Mais Garden State, c’est un film à voir, à expérimenter, et j’ai la très nette impression que de part sa simplicité, sa fluidité, il est sans fin, il est à voir et à revoir des milliards de fois, ce sera toujours meilleur. Pour finir sur quelque chose, j’aimerai revenir sur un détail qui occupe tous le film et qui, par rapport à mon mode de vie et à ma thématique, m’intrigue et titille. Tout au long de leur relation, des premiers mots jusqu’aux pleurs de joies de la fin, Sam et Andrew n’épiloguent pas, ils n’ont pas de long discours sur ce qu’ils aiment, ce qu’ils détestent, sur leurs goûts, leurs mode de vie, justement, ni de leurs films préférés ou de leurs ennemis. Quand Sam pose son casque qui diffuse les Shins dans les oreilles d’Andrew, c’est comme un accord tacite : voilà comment nous sommes. Point. C’est ça qui rend le film si fluide et si prenant, c’est ce qui lui donne son caractère de rêve éveillé. Après, il parleront de ce qu’ils font, ils commenteront, expliqueront en direct : le système des moments originaux, le cimetière des animaux, le dialogue de la piscine sur la famille. En quelque sorte, ils n’ont pas besoin de justifier , ce ne sont pas de vraies explications, c’est faux. Ils savent qui ils sont l’un par rapport à l’autre. Contrairement à mes personnages, ils ne rappellent pas continuellement le monde dans lequel ils vivent. Ils vivent tout simplement, ils peuvent se le permettrent. A cause des Shins, à cause du casque qui passe de crane en crane. Je ne sais pas quoi ajouter de plus, permettez moi de me citer moi-même pour conclure un questionnement qui ne finira jamais :





« - Ce que j’aimerai comprendre, dis-je, c’est la raison pour laquelle il est tombé amoureux d’elle ?
- Là dessus, j’ai mon idée, c’est assez simple.
- Puisque tu m’en as déjà tant dit, continue
- Ça tiens dans une anecdote. Elle remonte au moment où ils se sont rencontrés. Ils s’étaient rendu ensemble à une fête dans la maison de quelqu’un, et la musique était très mauvaise, et quand il chercha dans la collection de disque du propriétaire, il s’exclama : « Pas un seul bon disque. Même pas de quoi trouver ne serait-ce qu’une bonne chanson. » Il ajouta « Il ne doit pas y avoir une seule note jouée sincèrement sur un seul de ses disques ».
- Et alors, dis-je, m’impatientant, sentant mon excitation s’enfuir à cause de toutes ces explications
- Voilà l’intéressant : au lieu de lui répondre quelque chose du genre « Et alors ? Profite ! Eclate-toi ! », elle lui répondit « Oui, Je sais, c’est horrible »
- Je ne comprends pas.
- Un univers entier de possibilités s’ouvrit à lui, et c’était la première fois qu’il pouvait le pénétrer. Alors ils sont allés dans la voiture de Camille et ont ramené ses disques à elle. Ils ont piraté la soirée.
- Et c’est pour ça qu’il est devenu obsédé par elle ?
- Qu’est-ce que tu en sais ? Je ne t’ai jamais dit qu’il était obsédé par elle, je t’ai juste dit que c’était une part importante de lui. Et toi, pourquoi est-ce que tu es obsédé par lui ?
- Je ne suis pas obsédé
- Tu pose des tas de questions, elle insistait lourdement, tu veux tout savoir : tu es obsédé par lui.
- Parce que c’est la première fois, dis-je pour achever la conversation, comprenant enfin l’importance de l’anecdote. Ou peut-être que je faisais juste semblant ».

(dialogue entre Serge Nollens et Louise Champagne à propos du personnage de Camille Goemans, extraite du Manuel de Cristallographie)




Stradust Memories de Woody Allen

C’était un des derniers Woody qui me manquaient avec Bullets over Broadway et Maudite Aphrodite et sans aucun doute c’est le plus dur à trouver et sans aucune doute c’est un des meilleurs. J’ai du le commander en zone 1 parce qu’en plus d’être un de ses meilleurs, c’est un des plus imperméables. Pas d’histoire jolies à la Annie Hall, pas de snobisme à la Intérieurs (pour faire vite). Donc forcément, dur d’imaginer un public. Stardust Memories est le film le plus déconstruit de Woody Allen, et évidemment, comme c’est un bosseur, c’est bien sûr son film le plus construit, si on regarde bien l’envers du décor. Il emprunte beaucoup de choses à 8 et demi de Fellini (un film extraordinaire, tout comme la Dolce Vita, parmi les meilleurs au monde, à opposer très vite au Satiricon, bouse du même cinéaste), et il préfigure beaucoup du cinéma de 2005. Ça tombe d’ailleurs très bien que je le découvre à ce moment. Sandy Bates est un cinéaste, c’est le Woody Allen de société, l’image qu’il donne de lui, au moment où il va passer des comédies du début ( Guerre et Amour, Sleepers) aux films plus sérieux ( Manhattan, Intérieurs). Forcément, il est un peu perdu, forcément, le virage passe mal dans la tête des producteurs et sans doute, inconsciemment, dans sa tête à lui. Il part à un festival qui lui est consacré, il y rencontre une jeune femme maniaco-depressive qui va lui rappeler le souvenir d’une de ces ex, pendant que son actuelle, mature et intelligente, vient le rejoindre avec enfant et promesse d’union. Voilà à peu près, pour simplifier, l’intrigue, et en fait, c’est un de ces films les plus drôles. Parallèlement, c’est aussi une fourbi de souvenirs qui envahissent de plus en plus le film et le phagocyte jusqu’à ce qu’il en arrive même à devenir fiction.



Ça fait résonner dans nos oreilles des titres comme Eternal Sunshine, bien sûr. Et si les idées sont d’une très grande modernité, il est bien plus qu’un précurseur, parce que les films de Woody sont à part, ils suivent leur ligne propre. Dans celui-ci, c’est le désordre des souvenirs qui va nous faire glisser de plus en plus dans la nostalgie, parce que contrairement à Eternal Sunshine, il n’y a pas de voie inverse. La technologie ne l’a pas encore inventé. Pour compenser, Sandy Bates invente, il fait des films, c’est comme ça qu’on découvre sa relation avec le personnage de Charlotte Rampling et tout doucement, l’imagination de Sandy prend le dessus, il la revoit elle aussi, en même temps que ses souvenirs. Pour faire court, parce qu’il y a d’autres choses à dire, c’est un film de Woody Allen, qui parle de mort, de nostalgie, du sens de la vie, du manque de sens de la vie, d’humour, d’extra-terrestre, de cubisme, de maladie mentale, de déviances mentales, de sexe, de célébrité, du paradis du jazz, et d’expériences scientifique à but romantique. Pete Toswnsend a dit un jour que pour faire du rock, il ne fallait pas s’occuper d’originalité, il suffisait de prendre toute l’histoire du rock’n’roll, de la mettre dans un flingue et de tirer la cartouche. Voilà ce qu’est Stardust Memories pour le cinéma de Woody Allen.



Dans la liste des engrenages du passé, il me reste à parler de Chungking Express et de certaines choses qui sont arrivés à Strasbourg il y a quelques mois et qui prouvent que je suis Morrissey.

[AJOURS : un ami a ramené de New York le dvd de Garden State. Je suis le seul avec un lecteur dvd multizone]

Saturday, September 10, 2005

Sleep ( The Dandy Warhols extrait du DIG ! mix #2)



Voilà presque une heure que je relis mon blog en écoutant Joy Division. Je ne lis pas les extraits récents, plutôt le post de Noël dernier, quand je commençais à avoir les premières idées pour le Manuel de Cristallographie. Marrant de voir à quel point j’ai trahi mes idées pour mieux être fidèle à moi-même. Marrant et si déprimant bien sûr. Si tout se passe bien, demain j’aurai fini la partie la plus difficile du bouquin. Il ne me restera plus que deux chapitres à écrire, dont un entièrement en cut up. Les cut ups, ça marche ou ça marche pas. Pas de juste milieu. Pas de fausses poésie de la démarche. Ça s’anime ou ça s’anime. Ai-je déjà dit que je possède l’édition originale de l’ « œuvre commun » de Burroughs et Gysin. Je l’ai trouvé à Paris. Quoi qu’il en soit, je fais un essai du Manuel de Cristallographie en cut up et immédiatement les joues de Joe Shishido deviennent vivante. Pour moi, il n’y a pas de meilleur preuve qu’avec le Manuel, le cut up marchera. Dans les bandes annonces, il y a de nouveau ce film, La Blessure, qui se présentent comme le témoignage d’un viol, raconté par une africaine. Je ne sais pourquoi, j’ai envie de le voir. Peut-être parce qu’en fond sonore, il y a « Atmosphère » ma chanson préférée de Joy Division ?


Broken Flowers de Jim Jarmusch



Quel film étrange. Vraiment. Déjà, la chanson du Brian Jonestown Massacre présente sur la BO n’est là que pour décorer. Ensuite, je dois quand même préciser que c’est moins bon que Ghost Dog. Voilà, on se débarrasse des mauvaises choses. Une dernière pour la route : parfois, dans sa construction, Broken Flowers ressemble à Coffee And Cigarettes, et ce n’est pas un compliment. Passons au reste. Broken Flowers est construit sur un faux rythme dont la base première est l’ellipse. L’ellipse de quoi ? De pas grand chose en vérité. Il ne se passe pratiquement rien pendant les 20 premières minutes du film. Bill Murray (puisqu’à ce moment-là, il s’agit de lui), est assis sur son canapé, couché sur son canapé, passe chez son voisin, reçoit une lettre. On pense à Lost In Translation, et on voit le fossé, parce que ce n’est pas aussi léché, ce n’est pas Tokyo et ce n’est pas le but de Jarmusch de toute façon. Ensuite, Bill part à la recherche de son fils. Il croise quatre femmes qu’il a aimé. Si l’on rajoute Julie Delpy, ça fait cinq grands personnages. Sauf que l’on n’en voit rien du tout, pas plus de 5 minutes chacune et rapporté au nombre de minutes où Bill reste seul et impassible, ça n’est pas grand chose. Vraiment, je me dis : « et alors quoi ? ». C’est tout. Une suite sans son de vignette acidulées et languissante. Eh bien oui, il n’y aura que ça. Pas de dernier sursaut comme on l’attend dans la dernière demi-heure. Pas de début tardif et tonitruant comme on l’attend dans la première demi-heure. Rien de cela, le film ressemble à ses premières minutes. Et c’est une déception par rapport à tous qu’on a pu entendre, le Grand Prix à Cannes, la promo, le coup du Lost In Translation 2, du Bill Murray cabotin, la comédie triste. Non, ça s’est sans doute un coup du manque d’imagination des médias. Il faut plutôt sur pencher sur une interview de Jarmusch dans les Inrocks d’il y a une semaine, il y affirme ne pas avoir fait une comédie, avoir bridé Bill Murray parce qu’il voulait faire un film triste, mélancolique. Ma question est donc : est-ce que je n’aime plus ce genre de film ? Elephant m’avait fait pleuré à sa sortie, est-ce qu’il le ferait encore aujourd’hui ? Parallèlement, le thème de Broken Flowers est assez éloigné de ce que je peux ressentir du haut de mes 20 ans, alors qu’Elephant… En fait, il faut oublier les promesses des journaux. Il faut oublier le fait que la salle n’a rit à aucun moment de la projection quand j’y étais (véridique). Il faut se concentrer sur un simple plan. Bill vient de se faire tabasser. Il se réveille, en sang, dans sa voiture abandonnée au milieu d’un champs. Il est filmé en contre-plongée, est allongée, la tête vers nous et à l’envers, du sang et des fleurs sur ces vêtements. Voilà, nous y sommes. Ce n’est plus Bill Murray, c’est Don Johnston. Il aura mis du temps à venir celui-là. C’est un paumé, vous comprenez . Un pauvre type, il a de l’argent mais bon, il se l’est un peu fait comme ça, par hasard, en étant sérieux mais pas très concentré. Don ses trucs, c’est les ordinateurs et les filles. Alors quoi, vous le trouvez profond peut-être ? Vous le trouvez mieux que votre voisin ? Non. Don Johnston, c’est le type qui roule en Mercedes noire, qui a un nom qui l’a aidé à faire rire les minettes il y a quelques temps mais qui maintenant souligne juste le fait qu’il est vieux et dépassé. Don est vide, sa maison est vide, sa discographie est vide. Son voisin est même obligé de lui graver des compils de musique éthiopienne (presque la seule qui rythme le film et qui est plutôt pas mal). Maintenant, comprenez, Don a toujours été comme ça. Il n’a jamais su quoi faire, il est toujours resté à dormir sur son canapé. Sauf que quand il était plus jeune, il pouvait aller à des fêtes, inviter des amis, faire la nouba avec les filles qui lui tombait dans les bras. Don est vieux maintenant et au fur et à mesure qu’on l’abandonne, qu’il se rend compte qu’il ne plait plus qu’aux allumées (Lolita), sa vie est vide. Alors quelque part, pour faire comme les autres, pour faire comme son voisin qui le pousse, il va avoir un enfant. Il va le chercher vingt ans plus tôt, à l’âge où il aurait du l’avoir, pour faire comme les autres. Et sur cette route pour du sens, nous retrouvons cette voiture dans le champs. Sauf que ce n’est plus Bill, c’est Don. Et là, comme ça, aussi nul qu’il puisse être (si nul qu’il n’intéressait même pas Jarmusch au début) il est la parfaite image de poésie romantique. C’est un idiot, un nul, presque mort pour une quête de sens. C’est Jean Marais dans Orphée, auteur populaire comme peut l’être Marc Levy aujourd’hui, qui sacrifie sa femme pour la Mort, pour le sens, pour en finir avec ses matins à la terrasse des cafés où il se demande si finalement, tout ça à un sens, toutes les choses du quotidien, toutes les petites choses, les voix, les mots, auquel il ne comprend rien jusqu’à ce qu’il entende la radio de la Mort qui diffuse des fragments de poésie en boucles. Une bouteille à la mer. Le même genre de message que ceux envoyé par Rousseau dans Lost. Des messages de naufragés, sur une terre hostile et aride, qui recèle pourtant des milles trésors dont ils ne savent pas quoi faire. Qu’on se le dise, le vrai poète, le vrai romantique, est un fainéant. Il n’écrit pas toute la journée, il ne fait pas de films, ce n’est pas un artiste, il ne produit pas du beau. Il est juste inutile. Donc tragique. Donc romantique. Donc poétique. C’est ce que j’essayais de faire passer sans le savoir à travers le personnage de Serge Nollens, personnage vide, sans passé, sans avenir, dans Manuel de Cristallographie.



Alors merci Jarmusch pour m’avoir ouvert les yeux là-dessus. Ton film est peut-être un tout petit peu ennuyeux et monotone. Les fragments des personnages secondaires les rendent presque passionnants, mais on ne les découvre pas assez. On y voit un type vide en survêtement. On voit ces fils partout, à chaque coin de rue, bellâtres à lunettes, petit SDF américain ou portoricain en voiture. Toute une génération est fils de Don Johnston. Broken Flowers est un film différents de tous les autres, sauf des films de Jarmusch. La suite ininterrompue de fragments, les femmes, les amis, les fils, tout ça donne envie d’imaginer, de construire soi-même. Sun Green sourit à Don après qu’il se soit fait tabasser, elle le soigne même. Lui se tire, avec regret, mais il se tira, parce qu’il ne vaut en garder qu’un fragment, il ne veut pas la connaître, il ne veut pas recommencer tout ça, il sait que quelque chose clochera. Si les fragments de ses ex sont là pour lui rappeler les années passées avec elles et lui faire passer l’envie de les regretter, le fragment volontaire de Sun Green est l’inverse, il est constructif, Don en fait un fragment pour pouvoir le regretter. Pour moi, pour les spectateurs, Sun Green est l’inconnue que l’on croise dans les rues, elle est celle que l’on connaît trop bien. Ce sont les femmes de Don que nous voulons connaître, ce sont elles dont nous voulons savoir plus, pour enfin connaître les raisons de ne pas regretter. C’est pour ça que j’irai le revoir.

Thursday, September 08, 2005

Say Something

C'est idée, ça ne sert à rien et je pourrai l'enrober dans des mots.

Toutefois voici la liste non exhaustive de ce que j'écoute en ce moment et qui a permis ma résurection, c'est tout simplement un témoinage pour l'avenir :

Devendra Banhart - Cripple Crow


Coco Rosie - Noah's Ark


Syd Barrett - The Madcap Laughs


Dig ! (compils perso avec pour principe : une chanson des BJM, une chanson des DW et ainsi de suite)


New Order - Get Ready

Tuesday, September 06, 2005

Trois femmes nues et cinq bien habillées




La Vie Criminelle d’Archibald De La Cruz de Luis Bunuel

De la fumée. C’est ce qui me revient en premier quand je pense à ce film. Et quel film. Vu la semaine dernière, au saut du lit, je ne sais plus quel jour, tout en priant pour que personne ne vienne me réveiller, pas de réveil, pas d’obligations de travail. Archibald De La Cruz est un homme qui se croit monstre depuis qu’il a retrouvé une boite à musique de son enfance. Voilà le film, voilà la simple phrase qui devrait m’aider à comprendre comment écrire Manuel de Cristallographie tout en m’offrant un modèle totalement inatteignable. Bunuel est un réalisateur à la filmographie qui m’apparaît en dent de scie. Un Chien Andalou est bien, Viridiana est sans intérêt, etc. Mais rien, absolument rien de ce que je connais de lui ne s’approche de la qualité de La Vie Criminelle d’Archibald De La Cruz. Tout y est formidable, fluidité des images, de l’histoire, des idées. Un peu comme un amas de grosses bulles de savon qui fusionnent, se séparent, s’interpénètre de façon très moderne. Au début, le spectateur ne ressent vraiment rien pour Archibald : moustachu, un peu fou, un peu vieillot, dans un lit d’hôpital. Vraiment, rien n’est attirant chez lui, rien intéressant ou nouveau, pour ainsi dire. Et puis, une infirmière meurt et Archibald se confesse. Et là, dès la première image de lui, enfant, tout aussi énervant et éloigné du spectateur, quelque chose filtre, comme le souvenir arrive dans une magie de montage qui m’a paru tout à fait neuve, c’est l’histoire d’Archibald qui commence à nous intéresser, la façon dont il se voit et non pas la façon dont il est. En quelque sorte, pendant l’heure et demi qui arrive, nous ne verrons jamais le vrai Archibald tout au long de ses aventures avec les femmes, souvent plus charmantes les unes que les autres, et quand nous le retrouvons, seul, dans un bois, triste, c’est son moi-imaginaire qui irradie l’image et l’on comprend que plus jamais on ne le verra comme il est réellement, même en regardant plusieurs fois le film. Jamais. Au fond, c’est peut-être ça l’amour qui rend aveugle, c’est voir l’autre d’une façon qui n’est pas la bonne, en l’occurrence de la façon dont il se voit lui, et on s’en fout s’il se hait ou s’il s’aime, l’important, c’est l’image, le spectacle de voir le manège des idées, de l’imagination, s’installer sur la façade de l’homme, bien plus beau que le réel.



Les Fleurs et Les Vagues de Seijun Suzuki

J’ai l’impression que, si je suis Suzuki comme cela, c’est qu’un jour il me servira. Je m’explique : ces films marche à force de rediffusion, à force de passer dans le sang, à force de travailler dans la tête. C’est ça le sens de ces images pop dont il est le maître absolu. En regardant les Fleurs et les Vagues, je ne ressentais pas grand chose pour ces personnages, comme dans tous les films de Suzuki, au fond. Mais, à l’inverse des premières minutes de La Vie Criminelle d’Archibald De La Cruz où cette absence d’empathie est un handicap, ici c’est tout l’inverse. Ce que Seijun Suzuki, c’est un voyage dans le temps, idée pop par excellence. Avec son cinéma, on se retrouve dans le Japon dans années 60 ou du début du siècle, et à aucun moment nous est donné l’occasion de nous identifier à un des personnages. En réalité, on observe, pendant une heure et demi, et après, on croit oublier, alors que le film devient des souvenirs. C’est assez impressionnant. Suzuki est un voyage, ce n’est pas partir au Japon, ce n’est pas se retrouver dans les années 60. C’est avoir conscience de voyager dans le temps et se retrouver, protéger par sa capsule, entre les vies de personnages que l’on observe, scientifiquement ou comme Dieu pourrait le faire, des êtres, des personnages sélectionnés pour les couleurs de leurs vies, pour l’intensité de leurs destins. Voilà pour le côté spectateur au premier degrés. Ensuite, grâce à ses « trucs » de réalisateur, absent dans ce film là en particuliers, on peut simplement se contenter d’admirer son cinéma, la beauté de ses plans, la modernité qu’on lui vole souvent, la force de son talent. C’est intéressant aussi, parce que c’est grand. Ça ne marcherait pas avec un demi-doué, ou avec un bonne élève. Ça marche avec Suzuki, ça pourrait marcher avec le Kubrick de certains films. Malgré tous l’honneur que je lui dois, ça ne marcherait pas avec Lynch par exemple. C’est spécial, au sens d’unique, et c’est ça Suzuki Seijun.


My Summer Of Love de Pawel Pawlikowski

De ce film, on se rappellera surtout la musique, les ambiances. Pas l’histoire, pas les personnages. Tout est invité de toute façon, tout est un mensonge. Non il faut essayer de garder ces petits fragments, comme des vieux rêves, comme des illuminations, des points d’éclairages sur la vie, des instants de noirceur et des douceurs, une heure vingt dans le désordre : Mona et Tamsin sur le court de tennis, Mona s’effondrant sur l’herbe depuis sa mobylette sans moteur, la Ouija Board qui épelle Sadie, Mona étranglant Tamsin dans la rivière, Mona sur la route, ambiance ombragée, Tamsin à la fenêtre, frisson sur la peau, en soutien gorge. Tout ça et d’autres, ce serait déjà bien de ce souvenir rien que de ça. Parce ça revient et ça reviendra. Comme des fantômes qui me hantent. Une mobylette dans un jardin. Ouija Board Ouija Board de Morrissey. La Cascadre de Brisecou (à Rome –quel nom incroyable quand même, pour un endroit qui ressemble étrangement à celui du film). La mobylette rouge de Camille dans Manuel de Cristallographie. Le visage de Tamsin, comme celui des centaines d’autres filles dans les rues en bas de chez moi. Merci. Toutes ces humeurs (In the Mood for love) qui me rappellent tout ce qui me manque depuis 5 mois, les fragments de vie, la musique qui transporte, les bienfaits de l’imagination. My Summer Of Love est sans doute un film de cinéma. C’est-à-dire un film de salle, où l’on peut regarder les autres spectateurs, entendre la musique à plein volume et voir le corps de Tamsin s’étendre sur plus de trois mètres. Il me semble que la seule solution pour le revoir en dvd, c’est de le passer en cut up, en morceaux / fragments semblable au tableau « Cubomanie » de Guerasim Luca, dont l’héroïne ressemble étrangement à la fusion de Mona et Tamsin en cut up. Nouveau CocoRosie, nouveau Devendra Banhart, New Order, j’ai enfin trouvé la bande son qui me manquait, celle qui allait me motiver, celle que je peux écouter en boucle, moi qui l’ai cherché tous l’été, essayant de progresser, d’avancer, de changer, pour finalement me retrouver à écouter les mêmes artistes que ceux qui m’ont bouleversé l’année dernière, mais dans d’autres enregistrements, de la même manière que je n’ai pu commencer de nouveau blog et que je retrouve celui-ci avec une inspiration retrouvée. Je suis le même, depuis toujours. Le même que l’année dernière, et quatre mois de travail n’y ont rien changé. Ce ne sont que de nouveaux souvenirs, de nouvelles histoire, un nouveau roman. Voilà tout. My Summer of Love, c’est moi qui vers 16 ans m’amusait à cut upper deux lettres d’amour que j’avais écrites à deux filles différentes sans jamais leur envoyer.



Days of being Wild de Wong Kar Wai

Préambule : ce film est largement en dessous de In The Mood For Love, 2046, et Chungking Express, bien que ce dernier soit au-dessus d’absolument tout, au même titre que Garden State dont je reparlerai un jour. Days of Being Wild, c’est un peu le brouillon de In the Mood et, surtout, 2046(qui au fond est la fusion de In the Mood et Days of being). Alors c’est moins bien filmé, les chansons sont moins bien passés et se retrouvent souvent sur les BO des deux films suivants. Donc, ils forment une trilogie. In the Mood For Love, c’est le mélo, court, suffisant, classique. 2046, c’est l’œuvre d’un personnage, sa vie, ses pensées, ses secrets bien gardés et ses romans. C’est long, confus, parfaitement filmé, parfaitement mis en place. Days of Being Wild n’apporte rien par rapport à cela. Il représente une version fantasmagorique de Hong Kong (tourné en Argentine), dans laquelle les personnages semblent déplacer comme par la simple magie des chansons qu’ils écoutent. Pluie torrentielle, palmiers, chaleur écrasante dans les immeubles. Le film présente une galerie de personnages plus ou moins intéressantes, avec parmi les meilleurs : Maggie Cheung (mieux que dans In The Mood) et le policier de rue qui préfigure celui de Chungking Express. Par rapport aux autres films de Wong Kar Wai qui m’ont été donné de voir, celui-ci propose une trame originale. Un jeune homme, Yuddi, est partagé entre les femmes qu’il séduit et sa mère adoptive et tyrannique. C’est en quelque sorte, et si ce n’est pas très original, ce qui l’est, c’est la façon dont l’histoire se développe : les personnages se rencontrent, voyagent, se croisent, ils fuient, ils font des erreurs. Par rapport aux autres films de la trilogie, il n’y a pas d’unité de lieu et d’intrigue (In The Mood for love, qui pourrait être du théâtre), ni la prédominance des souvenirs, de leurs agencements, de leur fictionnalisation. Ici l’histoire se déroule sous nos yeux, elles n’est pas contenu par les efforts du cinéaste ou par le montage, et ce n’est qu’à de rares instants de voix off redondants que l’esprit Wong Kar Wai pointe (« Il existe un oiseau sans patte, qui ne fait que voler, et ne pose que quand il meurt »). Alors finalement, qu’en tirer ? Une œuvre de jeunesse qui plaira aux ceux qui n’ont pas vu la trilogie ou qui l’ont vraiment dans la peau. Pour moi, il y a du bon et du mauvais. Les personnages déjà cités sont dans le bon. Dans le mauvais, il y a le personnage de Yuddy et cette confusion, ce manque de clarté qui montre vraiment que ce sont les premiers pas du cinéaste ( me rappelle une projection en plein air de In The Mood, une fille derrière moi : « J’aime bien, mais je comprends pas trop », alors que le film est absolument clair). Malgré tout, en y repensant, certainement en le revoyant, le film reste un bon souvenir, irradier par ses personnages secondaires et par la conscience que l’on acquiert doucement de la nébuleuse Yuddi qui entraîne ses rencontres dans le trou noir qu’il porte au fond de lui.

No Love Lost



Je reste encore séduit par le début de CQ, les chassés croisés entre les différents films, puis le retour du générique, juste à l'exact moment où l'on tombe amoureux de Valentine, soit moins d'une minute après qu'elle apparaisse.


Et il aura suffit de le dire pour le faire : j'ai retrouvé ma motivation pour le Manuel... Parallèlement, je me demande si tout ça vaut le coup. Ces 600 nouveaux romans pour la rentrée. Les milliers, voire millions, d'aspirants écrivains. Ces milliards de mots, de lettres, usées et utilisées. Ce que je fais n'est absolument pas différent. Mêmes mots, mêmes rêves. Alors où est l'intérêt ? Je ferai mieux de passer à autre chose. Je n'écris pas mieux que n'importe quel aspirant écrivain, et pourtant le niveau est déjà bas. A quoi bon ? Continuez à blogger pour agencer le monde, et basta. Plus de livres. Plus de notes. La fin.


Alors je revois encore et encore la façon dont la fiction contamine l'irréel dans CQ, j'ai envie de faire pareil, je pense pouvoir faire pareil, rejoindre Le Grand Ecart et Détours.

Sans même essayer de faire des jeux de mots pour que la phrase semble plus jolie.


A suivre : des critiques de films (rappelons que tout cela n'est qu'un message à moi-même pour les mois qui viennent. Et effectivement, quel bonheur de relire son propre blog)

Monday, September 05, 2005

Get Ready



De puis combien de temps n'ai-je plus posté ? Pourtant il y avait tant de choses à dire, de petits détails, de contours de visages, de regards en détours. Rien d'important évidemment, est-ce que quelque chose d'important existe ?

Dans ce cas, pourquoi est-ce que je choisis ce jour, ce moment, pour écrire ? Il faut peut-être remonter en avant de la question. Je blog pour m'entrainer, pour faire un muscle de la faculté d'écrire. 1ère chose. Ensuite, j'écris pour garder un souvenir embelli et lisible de ces détails dont je parlais et qui font ma vie, qui sont ce à quoi je penserai si j'étais un personnage de Woody Allen (Manhattan avant de chercher Tracy, Stardust Memories en mourant). Je n'avais pas écrit récemment par fautes de temps, trop pris par ces choses si peu intéressantes que sont le travail, la vie en société, etc. Ne pourrai-t-on pas bannir tout cela ?

En quelque sorte, cette année, c'est fait. Mes amis sont partis continuer leurs études dans des villes différentes. Quelque part, j'en suis quand même satisfait, ça me laissera plus de temps pour ici, pour là.

Donc si je suivais la logique, je ferai une critique/analyse de My Summer of Love de Pawel Pavlokovski



Puis de Days of Being Wild de Wong Kar Wai




Pourtant je ne le ferai pas. Pourquoi ? Parce que je le ferai plus tard, demain ou après demain. Ce temps qui file est meurtier. Comment faire pour qu'il s'arrête, pour qu'enfin je sois seul, devant mon ordinateur, pendant 36 heures, à écrire pour ce blog ? Je dilue, je dynamise, j'essaie de faire en sorte de recomposer ce temps à partir de ces débris.

Des débris, parlons-en. Soyons franc. J'avais commencé un autre blog. Et puis rien est venu de spécial. J'y retranscrivai mes notes datant de mon voyage à Paris, je m'y essai au cut-up, etc. Mais l'envie, le besoin de recommencer à chaque fois, n'était pas là. Je ne sais pas la raison à cela. Sans doute que ce blog, qui a une existence justifié, une naissance due à des évennements, une jeunesse qui se cherche, n'était pas encore arrivé à sa fin.

Parce que pour ceux qui ne le savaient pas, il y a eu d'autres blogs avant celui-ci. 2 pour êtres précis, pour lesquels je pourrai raconter les raisons de leurs vies, de leurs absences, et de leurs fins. Alors celui-ci, Tahiti Rain Song, n'était pas clot, contrairement à ce que je pensais. Ce qui veut dire que la période de ma vie qu'il concerne est encore celle qui prédomine.


Je pensais en avoir fini, vraiment. Début juillet, j'ai rencontré Coco Rosie et Spleen. Je pensais que ce serait le début d'un renouveau spirituel. Mais au fond, l'ancrage de Coco Rosie est si profond qu'il ne peut marquer un nouveau départ. D'eux, de ce (tout petit) summer of love, je garde quelques mots dans mon carnet, les visions de Bianca que je n'oublierai jamais.



Où en étais-je ? Ah oui, mon nouveau blog s'appelait "C'était une fille", comme la traduction française d'une chanson de Spleen. Il reviendra, c'est absolument certain, quand celui-ci sera fini. Regardez, déjà, pour ce post, il m'a suffit de trouver un titre, quelques images, et le ton est donné, les mots sortent sans problème. C'est l'inverse de "C'était une fille".

Malheuresement, c'est aussi l'inverse de mes tentatives pour réussir "Manuel de Cristallographie", mon nouveau roman. J'en ai pourtant écrit 80%, et je le finirai, je suis juste très mécontent du résultat. Il n'y a pas d'évolution, peu ou prou, par rapport à "Champs Elysées". Alors là aussi, que faire ? Partir sur mes nouvelles idées, "The Subways", comme cela s'appelle. Je ne crois pas, pas encore. La rentrée s'annonce et de toute façon que je n'aurai plus le temps pour ça. Ce que je regrette, c'est de ne pouvoir écrit le Manuel comme je viens d'écrire ce post, c'est-à-dire en cohérence, avec une couleur, un ton, de l'audace, un peu de magie. Je n'y arrive pas, car dans un roman, il y a des personnages, de l'aventure, des pages. Oui, des pages qu'il faut remplir et bien souvent je saute entre dilué mon style au maximum et transcrire le plus de faits possibles sans fioritures. Des deux manières, ça remplit de la page. Ce n'est pas écrire ça, si ? Devrai-je écouter quelqu'un qui me conseillait de faire de la nouvelle ? Non, je m'y refuse, il faut progresser, courir plus vite et plus longtemps, jusqu'à ne plus avoir de larmes.




[Voilà, ça s'est bien. Référencé, mais pas forcé. Imposant, mais court. Pourquoi les dédales des pages me torturent ?]